p. 174-175 : Histoire du principe de gouvernance de biens communs

Résumé ou extrait

Imaginez un village où tous les paysans font paître leurs vaches sur un pâturage commun.

Pour augmenter ses gains personnels, chaque paysan a la possibilité d'acheter plus de vaches : c'est le comportement que prédit la théorie économique classique. Le problème est que le pâturage ne pet supporter qu'un nombre limité de bêtes.

L'augmentation du nombre de vaches conduira inévitablement à la surexploitation du pâturage, et donc à la banqueroute de l'ensemble des paysans. Autrement dit, l'ensemble du groupe perd à cause de l'égoïsme de chacun. C'est la fameuse "tragédie des biens communs", décrite dans un célèbre article du biologiste Garrett Hardin paru en 1968 dans la revue Science.

Cette métaphore vient s'opposer au mythe – répandu à l'époque – de la main invisible d'Adam Smith, qui stipulait au contraire que l'intérêt égoïste de chacun favoriserait le bien commun.

Les deux solutions proposées par Hardin à l'époque :

  1. Privatiser le terrain en petites parcelles individuelles (chaque paysan gère sa parcelle comme il l'entend)
  2. Nationaliser l'ensemble du pâturage et le gérer à l'aide de structures centralisée.

Dans ce modèle et ses propositions, seul le marché et/ou l'Etat étaient en mesure de gouverner les ressources communes. C'était un imaginaire de guerre froide... [...] Jusque dans les années 1980, les experts et les chercheurs ont baigné dans ce mythe.

Progressivement, cetains rapports ont commencé à pointer l'inefficacité, voire l'incapacité, du marché et de l'Etat à gouverner des systèmes naturels complexes, biens communs naturels tel que l'eau, les forêts, le climats...

C'est en partant de cette nouvelle conception de la nature humaine (irrationnelle et prosociale) que la politologue Elinor Ostrom et ses collègues ont montrés que, lorsque certaines conditions sont réunies, des groupes d'usagers sont parfaitement capables de s'auto-organiser, de se fixer des règles et de bien gérer leurs ressources1.


1 Après un demi-siècle de preuves accumulées contre les hypothèses de Smith et de Hardin, cette chercheuse a été récompensée en 2009 par le prix Nobel d'économie.