Opportunité des catastrophes globales

Résumé ou extrait

(p. 215-221)

Des expériences sur les mécanismes de coopération humaine au sujet du climat ont été menées par l'évolutionniste Manfred Milinski et son équipe du Max Planck Institute (Allemagne).

Le climat est un cas de dilemme social. Alors qu'aujourd'hui, nos sociétés fonctionnent sur la logique :

  • Bénéfices individuels (privés)
  • Coûts collectifs (publics)

Pour lutter contre le changement climatique, on compte sur l'exacte inverse :

  • Un coût individuel des mesures à prendre très grand (pour chaque état et citoyen)
  • Des bénéfices collectifs, perçus comme lointains et globaux (stabilisation du climat et mieux être global)

Et l'on s'étonne que cela ne fonctionne pas !

Si par exemple, notre pays s'engage dès aujourd'hui dans de courageuse et coûteuses mesures pour réduire l'extraction et la combustion d'énergies fossiles, mais que les autres pays ne suivent pas, les effets bénéfiques globaux seront ridicules, et les coûts pour notre pays seront immenses. A l'inverse, si tous les pays agissent, sauf le nôtre, nous aurons les bénéfices... sans les coûts ! Dans ce cas de figure, le meilleur choix stratégique rationnel à court terme est d'attendre (que les autres agissent). Au risque d'attendre trop longtemps... !

Au-delà de ce dilemme, plusieurs obstacles empêchent cette coordination globale :

  • Absence d'un récit commun
  • La question temporelle (générations futures)
  • Les inégalités

 

La question du récit commun

(p. 217) Chacun voit le problème à sa manière. Certains croient qu'on peut s'en sortir, d'autres ne croient plus en rien, d'autres se préparent activement; certains développent un ressentiment alors que d'autres on tpeur de savoir ou d'agir...

L'imaginaire, représentation du futur est donc différent selon les régions où l'on vit et selon les classes sociales. 

Première étape dans l'élaboration d'une membrane de sécurité et la mise en mouvement dans une même direction. La "raison d'être" d'un éventuel super-superorganisme nexiste pas encore.

Quelle raison d'être et quel super-superorganisme pour quel récit commun ?

La question des générations futures

(p. 218) En 2013, des chercheurs ont organisés un jeu économique "climatique" (dot l'enjeu était différé dans le temps). Dans cette expérience l'égoïsme était récompensé immédiatement, alors que les bénéfices étaient reportés d'un jour, de sept semaines (solidarité intergénérationnelle) et de plusieurs décennie (solidarité intergénérationnelle).

Les résultats étaient plutôt décourageants. Le report dans le temps des bénéfices de la lutte contre le changement climatique a fait chuter les niveaux de contribution. Les participants ont préféré empocher l'argent et renoncer à en tirer des bénéfices ultérieurs. 

Dans l'expérience, tout les groupes à solidarité intergénérationnelle ont échoué à atteindre l'objectif commun !

Dans notre société il existe plus de bénéfices à ne rien faire qu'à agir pour le futur. Comment changer cela ?

La question des inégalités

Inégalités de taille, de pouvoir, de richesse et de responsabilité. Les pays riches et industrialisés ont le plus contribué à la situation actuelle, comment envisager de contraindre les pays émergents de brûler autant d'énergies eux aussi.

En 2011, deux expériences de jeux économiques ont pris en compte le paramètre des inégalités en distribuant des montants différents aux joueurs (en créant des riches et des pauvres dès le début de la partie)1.

  • Sous anonymat cela c'est révélé désastreux pour le bien commun. 
  • En laissant la possibilité aux joueurs de dévoiler leur participation, le taux d'engagement a grimpé de manière exceptionnelle.

Quand les riches annonçaient leur volonté de réduire les inégalités en paticipant proportionnellement plus au bien commun, cela a eu un effet positif sur les joueurs défavorisés.

En faisant varier le niveau de risque climatique pour chaque catégorie (riches et pauvres), une équipe britannique2 a pu montrer que les taux de coopération s'effondraient lorsque :

  • Les niveaux d'inégalité entre les participants étaient élevés,
  • Le risque de souffrir du changement climatique était réservé aux plus pauvres (sentiments des riches d'être moins concernés) 

C'est précisément la situation dans laquelle nous nous trouvons ! Et les chercheurs de concluent :

Les modèles théoriques et les exemples du monde vivant nous révèlent [... ] [qu']une forme de contrainte est nécessaire pour stabiliser la coopération.

 

Comment sortir de ce fossé ? 

Quels outils pour réussir à aborder ses trois obstacles (récit commun, intégration des générations futures, niveaux d'inégalité) et les dépasser ?

Quelques outils3 existent :

  • La réciprocité par des contraintes (punitions) et des récompenses
  • Les mécanismes de réputation "public" et largement visible. En rendant public, par exemple, l'implication/engagement de chacun.
  • Parler franchement des menaces

Une équipe de chercheurs allemands à découvert lors d'une expérience en 2006, deux manières d'augmenter considérablement les niveaux de contribution :

  • Rendre public le montant de la somme que chacun donnait (importance de la réputation)
  • Mieux informer sur les risques, enjeux et menaces (parler franchement des catastrophes)

(p. 229) Le concept de religion, dans son sens éthymologique (du latin religare, "faire du lien"), est très fort pour renforcer l'effet "superorganisme". 


1Tavoni et al. (2011) ; Milinski et al. (2011)

2 Burton-Chellew et al. (2013)

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